Idée reçue n° 1 : "On ne change pas une équipe qui gagne"
Faux. Il faut la changer pour
avoir les meilleures chances de gagner le coup d'après. Plutôt que de
renouveler les acteurs, il s'agit avant tout de transformer les manières de
faire au sein du collectif afin de créer de la diversité, de la singularité.
C'est la "variation", l'un des facteurs clés de l'innovation
darwinienne. Les gènes mutent, se recombinent sans intention ni projet si ce
n'est la survie de l'espèce. Ce qui, après sélection, génère des caractères
nouveaux dans la population donnée.
Dans l'équipe, casser les routines, réaffecter le
leadership, recomposer les compétences selon la stratégie retenue permettra à
chacun d'exprimer son potentiel et de résister à l'adversaire et/ou à
l'adversité.
Idée reçue n°2 : "Il faut capitaliser sur ses points forts"
Faux. Là aussi, il est bon
pour l'individu ou l'entreprise de tenter autre chose. Ne développer que ce
qu'ils savent déjà faire les conduit à se scléroser, à saturer leur
environnement (entourage, marché) et à se laisser dépasser par des
compétiteurs. L'un et l'autre doivent être capables de proposer des schémas
neufs et de cultiver divers talents - sans renier leurs atouts premiers -, en
se bousculant. Dans les lignées du vivant (plantes, animaux, hominoïdes), des
branches nouvelles ont ainsi émergé jusqu'à parfois supplanter les anciennes
parce que de son côté l'environnement avait, lui aussi, changé. Exemples en économie
: Kodak focalisé sur l'argentique loupant le virage du numérique et qui se
meurt alors que PSA, se diversifie en lançant sa marque de luxe DS qui
bourgeonne déjà en Chine.
Idée reçue n°3 : "Recruter les mêmes profils est gage
d'efficacité"
Faux. Ce réflexe se base sur
le principe d'homogamie, le choix d'un conjoint qui appartient au même groupe
social ou équivalent au sien. Le manager présuppose qu'un collaborateur
décalqué du précédent sera aussi performant. Il s'appuie sur ce que les
évolutionnistes appellent "les causes proximales", celles liées à un
environnement stable et à une structure qui marche bien. Le candidat saura dès
lors s'intégrer et réussir dans l'entité quitte à s'ajuster par à-coups.
Cependant il ne sera adapté au job que pour une partie de ses compétences et de
son histoire. Aux moindres crises et projets innovants il sera démuni. Le
manager doit considérer les "causes ultimes", celles qui englobent
tous les facteurs qui dans le passé ont renforcé l'espèce. Dans le cas du postulant,
ce sera sa formation atypique, son expérience multiforme et son potentiel au
delà du savoir faire immédiat.
Idée reçue n°4 : " Le mérite doit être récompensé"
Vrai et faux. L'évolution n'implique
pas forcément sélection féroce et élimination des concurrents. Il y a aussi de
l'entraide et de l'interdépendance dans un écosystème. C'est vrai aussi dans la
construction d'une carrière. Or le mérite quand il sous-entend de
l'individualisme et un certain stakhanovisme empêche les autres de s'épanouir.
Pour Darwin, ce n'est pas la personne isolée qui s'adapte mais le groupe. La
façon dont le méritant a fait émerger la réussite collective (idées, énergie,
coopération, encouragements...) doit faire partie des critères de
reconnaissance.
Idée reçue n°5 : " Garder l'exclusivité permet d'avancer plus
vite"
Faux. Une espèce ou un
individu n'évolue jamais seul, il est dans une dynamique de coévolution. Chacun
profite de l'écosystème et contribue à son équilibre selon les lois de
l'interaction ou de "l'altruisme intéressé". Les abeilles butinent et
assurent la pollinisation des fleurs. Les chauves-souris vampires donnent un
peu du sang de leur proie à leurs congénères affamés après une mauvaise chasse,
se garantissant ainsi de l'aide en retour en cas de pareille mésaventure. Le
dirigeant doit accorder plus de place à l'échange, au partage, à la
collaboration intra ou interentreprises. Vouloir conserver une idée, un
savoir, un élément brillant, c'est tuer la créativité de l'entité et son
développement.
L'anthropologie nous apprend que l'isolationnisme est l'avant-dernière
étape avant l'extinction. On vit mieux avec des concurrents qu'en l'absence de
concurrents.