jeudi 30 octobre 2014

MANAGEMENT: 5 idées reçues qui ont la vie dure

Idée reçue n° 1 : "On ne change pas une équipe qui gagne"
Faux. Il faut la changer pour avoir les meilleures chances de gagner le coup d'après. Plutôt que de renouveler les acteurs, il s'agit avant tout de transformer les manières de faire au sein du collectif afin de créer de la diversité, de la singularité. C'est la "variation", l'un des facteurs clés de l'innovation darwinienne. Les gènes mutent, se recombinent sans intention ni projet si ce n'est la survie de l'espèce. Ce qui, après sélection, génère des caractères nouveaux dans la population donnée. 
Dans l'équipe, casser les routines, réaffecter le leadership, recomposer les compétences selon la stratégie retenue permettra à chacun d'exprimer son potentiel et de résister à l'adversaire et/ou à l'adversité. 

Idée reçue n°2 : "Il faut capitaliser sur ses points forts"
Faux. Là aussi, il est bon pour l'individu ou l'entreprise de tenter autre chose. Ne développer que ce qu'ils savent déjà faire les conduit à se scléroser, à saturer leur environnement (entourage, marché) et à se laisser dépasser par des compétiteurs. L'un et l'autre doivent être capables de proposer des schémas neufs et de cultiver divers talents - sans renier leurs atouts premiers -, en se bousculant. Dans les lignées du vivant (plantes, animaux, hominoïdes), des branches nouvelles ont ainsi émergé jusqu'à parfois supplanter les anciennes parce que de son côté l'environnement avait, lui aussi, changé. Exemples en économie : Kodak focalisé sur l'argentique loupant le virage du numérique et qui se meurt alors que PSA, se diversifie en lançant sa marque de luxe DS qui bourgeonne déjà en Chine. 

Idée reçue n°3 : "Recruter les mêmes profils est gage d'efficacité"
Faux. Ce réflexe se base sur le principe d'homogamie, le choix d'un conjoint qui appartient au même groupe social ou équivalent au sien. Le manager présuppose qu'un collaborateur décalqué du précédent sera aussi performant. Il s'appuie sur ce que les évolutionnistes appellent "les causes proximales", celles liées à un environnement stable et à une structure qui marche bien. Le candidat saura dès lors s'intégrer et réussir dans l'entité quitte à s'ajuster par à-coups. Cependant il ne sera adapté au job que pour une partie de ses compétences et de son histoire. Aux moindres crises et projets innovants il sera démuni. Le manager doit considérer les "causes ultimes", celles qui englobent tous les facteurs qui dans le passé ont renforcé l'espèce. Dans le cas du postulant, ce sera sa formation atypique, son expérience multiforme et son potentiel au delà du savoir faire immédiat.  


Idée reçue n°4 : " Le mérite doit être récompensé"
Vrai et faux. L'évolution n'implique pas forcément sélection féroce et élimination des concurrents. Il y a aussi de l'entraide et de l'interdépendance dans un écosystème. C'est vrai aussi dans la construction d'une carrière. Or le mérite quand il sous-entend de l'individualisme et un certain stakhanovisme empêche les autres de s'épanouir. Pour Darwin, ce n'est pas la personne isolée qui s'adapte mais le groupe. La façon dont le méritant a fait émerger la réussite collective (idées, énergie, coopération, encouragements...) doit faire partie des critères de reconnaissance. 

Idée reçue n°5 : " Garder l'exclusivité permet d'avancer plus vite"
Faux. Une espèce ou un individu n'évolue jamais seul, il est dans une dynamique de coévolution. Chacun profite de l'écosystème et contribue à son équilibre selon les lois de l'interaction ou de "l'altruisme intéressé". Les abeilles butinent et assurent la pollinisation des fleurs. Les chauves-souris vampires donnent un peu du sang de leur proie à leurs congénères affamés après une mauvaise chasse, se garantissant ainsi de l'aide en retour en cas de pareille mésaventure. Le dirigeant doit accorder plus de place à l'échange, au partage, à la collaboration intra ou interentreprises. Vouloir conserver une idée, un savoir, un élément brillant, c'est tuer la créativité de l'entité et son développement. 

L'anthropologie nous apprend que l'isolationnisme est l'avant-dernière étape avant l'extinction. On vit mieux avec des concurrents qu'en l'absence de concurrents. 



mardi 14 octobre 2014

BURN-OUT : détectez les signes avant-coureurs

Triste effet de mode, le burn-out ou syndrome d'épuisement professionnel constitue une réalité incontournable dans nombre de PME. Si tous vos salariés ne sont pas égaux face un tel fléau plurifactoriel, quelques signaux d'alerte peuvent vous aider à vous en prémunir.


Dirigeants de PME, savez-vous qu'au moins un dixième de votre effectif est exposé au risque de burn-out ? Notion, certes, galvaudée et utilisée souvent à outrance, le burn-out, ousyndrome d'épuisement professionnel, menacerait 3 millions de salariés en France (12,6% des actifs) à en croire une étude réalisée début 2014 par le cabinet Technologia, spécialisé dans l'évaluation et la prévention des risques psychosociaux. 
Faute inexcusable
Si une telle affection peut conduire à la dépression, voire dans un cas extrême au suicide du salarié, elle n'en reste pas moins lourde en conséquence pour le dirigeant. "Le patron qui n'a rien fait pour anticiper un tel risque peut être condamné, au pénal, pour faute inexcusable. La peine pouvant aller jusqu'à 500 000 euros !", prévient Pierre-Eric Sutter, président de Mars Lab, société de conseil en management de la performance sociale. C'est dire la nécessité d'être vigilant quant aux signes d'alerte d'une telle pathologie.
Or, c'est bien là que le bas blesse. Encore non reconnu comme une maladie professionnelle, le burn-out s'impose comme un mal protéiforme aux manifestations à la fois physiques, émotionnelles et psychiques pouvant varier d'une personne à l'autre. "D'où la difficulté de détecter, en amont, les signes avant-coureurs de cette pathologie plurifactorielle même si elle trouve son origine, pour une part au moins, dans l'organisation même du travail", analyse Pierre-Eric Sutter.

Les salariés dévoués plus exposés

S'il s'avère donc complexe de dresser un profil type de personnes à risque, les experts s'accordent toutefois sur un point : le burn-out touche d'abord les salariés dévoués et impliqués. "C'est la maladie des meilleurs, et non des fainéants", confirme Pierre-Eric Sutter, brisant au passage certaines idées reçues. Et d'ajouter : "il s'agit d'individus qui ont un rapport très fort au travail. Or, face à des objectifs inatteignables ou des conditions de travail trop dégradées, ils finissent par s'effondrer."
Il est donc important pour les managers de proximité de détecter au plus tôt un comportement pouvant aboutir à un burn-out. Voici quatre phases d'un processus allant du plaisir au travail à l'épuisement professionnel, et pouvant s'étaler sur plusieurs mois.

Étape 1 : le plaisir au travail

Dynamique voire enthousiaste, votre salarié affiche une réelle satisfaction au bureau. Soucieux de se surpasser, il accepte les aspects complexes ou négatifs de son boulot en affichant une motivation et persévérance à toute épreuve.

Étape 2 : le surengagement

Soumis à une charge de travail importante, voire excessive, le salarié laisse peu à peu son environnement professionnel envahir sa vie privée. Le temps de travail dépasse de manière régulière les 10 à 12 heures par jour, si bien que le surengagement n'est plus ponctuel, mais totalement chronique.

Étape 3 : l'acharnement

Le salarié ne parvient plus à se déconnecter du travail. Obsédé par l'atteinte des objectifs, "il se met une pression tellement incroyable que son travail baisse notoirement en qualité", commente Pierre-Eric Sutter. Le plaisir laisse alors place à un comportement négatif : anxiété, plaintes quotidiennes, brouille avec ses collègues... Autant d'attitudes qui cachent une baisse d'estime de soi. "À ce stade, le salarié 'work addicted' est dans un état si compulsif, qu'il acceptera très difficilement qu'on lui allège sa charge de travail. Une décision qui renforcera son sentiment d'échec", indique Cyril Cosar, psychologue clinicien.

Étape 4 : l'effondrement

C'est la dernière étape, inexorable : le salarié craque littéralement. Amorphe, il perd toute sa capacité de réaction et tombe en dépression. A contrario, des excès de violence peuvent survenir. Soit à l'encontre des collègues ou des clients, soit à l'encontre du salarié lui-même : le passage à l'acte suicidaire.
Pour éviter un tel engrenage, "le travail de prévention doit être effectué en amont, en général durant l'étape 2, celle du surengagement", recommande Cyril Cosar. C'est l'étape du "pré burn-out" où les premières manifestations physiques apparaissent : crampes d'estomac, troubles du sommeil, migraines, malaises... "Plus ces troubles s'accompagnent de symptômes émotionnels et psychiques -sentiment d'angoisse et de découragement, perte de mémoire,etc.- plus votre salarié évolue vers le stade de l'acharnement, qui constitue bien souvent un point de non-retour", indique Cyril Cosar.
Avant d'arriver à un tel tableau clinique, vous devez identifier les salariés en état de surengagement chronique et faire de la prévention via des entretiens individualisés. Car c'est cette cible, soucieuse de "surperformer", qui est le plus exposé au risque de burn-out. Même si un tel scénario catastrophe n'est pas, fort heureusement, systématique. "Encore une fois, tous les individus ne sont pas égaux face à ce fléau, résultant de causes autant psychologiques qu'organisationnelles", répète Cyril Cosar. Soyez vigilant et à l'écoute de vos équipes.